Le regard (ou l’amour)

Le regard
Le regard

La foi, l’espérance et l’amour

1 Corinthiens 13 :13

On peut croire que la vérité de l’être humain, c’est l’amour, le pardon, la paix.

Malheureusement, on peut croire aussi que la vérité de l’être humain, c’est la violence, l’égoïsme, la corruption. Cela me semble une étrange perversion du message.

On peut être consterné par le souvenir tronqué qui a été gardé de la célèbre phrase de Paul dans sa lettre aux Romains :le péché est entré dans l’homme par la faute d’un seul homme“. C’est ce que beaucoup répètent depuis des siècles. Mais ils oublient que Paul corrige aussitôt ce masochisme en disant :Finalement, la faute d’un seul a eu pour résultat de condamner tous les êtres humains. De même, l’action juste d’un seul a pour résultat de rendre justes tous les êtres humains, et par là, ils ont la vie.

En patois protestant, on appelle cela la justification par la grâce.

Mais Paul indique également quels sont les piliers sur lesquels chacun doit s’appuyer :maintenant trois choses sont toujours là : la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande des trois, c’est l’amour“. (1Cor 13 :13)1

Le regard

Comment nommer l’amour

Le mot Foi souffre de définitions contestables, comme nous l’avons vu.

Mais on pourrait en dire autant du mot grec ἀγάπη, agapi en grec moderne, qu’on traduisait autrefois par “charité” et qu’on traduit souvent aujourd’hui par “amour”.

Qu’est-ce que l’amour dans cette acception ? Paul en fait toute une description édifiante, sur plus de sept versets : […]L’amour est patient, l’amour rend service. Il n’est pas jaloux, il ne se vante pas, il ne se gonfle pas d’orgueil.[…]2 etc.

C’est bien, et beaucoup de jeunes couples recyclent ces phrases au moment de leur mariage, c’est bien mais très théorique : qu’est-ce que l’amour ? Qu’est-ce qu’aimer son prochain ?

Et surtout : comment se forcer à aimer quelqu’un ? Plus particulièrement, quelqu’un qu’on n’aime pas !

La réalité est que le mot “amour” ne convient pas pour traduire le mot grec agapi. J’ai posé la question à de nombreuses personnes. Beaucoup de suggestions, presque toutes mauvaises, l’intérêt, la compassion, le soin…. J’ai eu aussi des périphrases, dont celle-ci à laquelle je souscris pleinement : avoir envers l’autre une attitude positive qui l’aide à vivre !

La vérité triste est qu’il n’y a pas de mot en français qui rende compte de cet agapi de façon décisive. Et traduire par “amour” ne peut qu’embrouiller les idées.

Et donc, je propose le mot “regard“, le regard que l’on pose sur son prochain. Quand on regarde un être, on ne peut plus le détester, ni l’oublier, on sait qu’il est là, on est comme dans Matthieu : même s’il tombe, on est à côté de lui.

La question posée au moine

Un jour, un homme va trouver un moine sage et lui demande : “Qu’est-ce que l’amour ?”

Et il ajoute : “Comment imaginer que Dieu aime les humains, nous qui sommes si misérables, vivant dans le malheur quotidien, ne sachant comment sortir de cette pauvre vie, etc. ?”

Entre parenthèses, en français, on appelle cela pleurnicher sur son sort. Et c’est un air que l’on entend souvent dans des commentaires, des sermons, etc. Fin de parenthèse.

Revenons à notre moine et à son questionneur. Le moine réfléchit à ce que l’homme lui demande. Puis il l’emmène avec lui sur le bord de mer, sur une sorte de promontoire rocheux. Arrivés là, il l’invite à se pencher au-dessus de l’eau et à regarder. L’homme voit alors, au fond de l’eau, un poisson coincé sous un rocher qui est tombé sur lui. L’animal ne peut plus bouger, ou si peu. Il ne peut se nourrir que des proies qui passent par hasard près de lui. De temps à autre il se secoue pour essayer de s’en sortir, sans résultat autre que d’aggraver ses blessures et son découragement.

Notre homme, jusqu’alors doutait de la possibilité même de l’amour de Dieu pour les humains. Maintenant, il se sent pris de compassion, de tendresse, d’amour, pour ce poisson qui se débat sans faiblir dans sa vie un peu misérable. Il ne peut pas l’aider, enlever cette pierre qui pèse lourd sur l’animal, il ne peut pas, mais il peut l’aimer, sans condition, gratuitement. Et à cet instant, il se sent Dieu lui-même.

  1. Voir aussi “La foi ou le chemin“, “L’espérance ou la paix↩︎
  2. 1 Corinthiens 13 :4 ↩︎

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5 réponses

  1. Et pourquoi ne pas se mettre à plusieurs pour soulever la pierre et permettre au “pauvre petit poisson” de revivre ? Et là on passe du regard à la main fraternelle…

    • Gil dit :

      Vous savez, pour moi il y a deux attitudes possibles : préférer agir collectivement ou individuellement. Les deux sont légitimes, c’est une question de sensibilité. Pour ma part je préfère l’action individuelle mais je crois qu’il faut les deux.

  2. jocaze dit :

    merci pour cette excellente explication bien détaillée . J’apprécie votre dédinition de la foi .
    Foi : est un chemin spirituel sans rituel

    • Gil dit :

      Bien de votre avis, merci.
      Coïncidence, je suis en train d’écrire un livre que j’envisageais de titrer “Spi, spirituel sans rituel” !
      Les grands esprits…

  3. Mathieu dit :

    Je reviens sur deux points :
    – Selon moi, non ne croit pas que la vérité de l’être humain, c’est la violence etc. seulement il arrive qu’on le constate, de temps en temps.
    – Et si le substitutif cherché au mot amour était celui de : empathie ?

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