La Trinité et le prologue de Jean – deuxième partie

La Trinité et le prologue de Jean
La Trinité et le prologue de Jean

La doctrine officielle a toujours affirmé que Jésus était effectivement un homme complet. Un homme ayant sa liberté, son individualité, et aussi son âme propre qui a été créée par sa conception, un vrai homme, parfaitement uni au Dieu véritable1.

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Le verbe s’est fait chair

Au verset 14, on trouve une autre affirmation essentielle et absolument passionnante : « Et le verbe s’est fait chair ». Là, nous avons tous les éléments pour une juste christologie et, en même temps, tous les risques possibles. Dans ces simples paroles : « et le verbe s’est fait chair », en latin « et verbum caro factum est » et en grec : « kai o logos sarx egeneto », se trouve la question de l’incarnation. Comment cette parole éternelle de Dieu a‐t‐elle pu se trouver présente dans un individu de chair et de sang ?

La traduction de ce verset comporte un certain nombre d’erreurs, ou tout au moins de graves dangers.

Premier danger

Le premier danger est dans le mot « chair ». Pour nous, occidentaux du XXIe siècle, le mot « chair » désigne la dimension purement matérielle, physiologique de notre existence. Pas un être complet. Ainsi, quand on dit : « et le verbe s’est fait chair », on risque de comprendre que cette parole de Dieu s’est cristallisée sous une forme de chair. C’est‐à‐dire qu’elle a pris un corps, qu’elle s’est enrobée de chair. Mais dans la Bible, chair ne désigne pas la viande, mais la totalité de la personne.

Ainsi, dans l’Ancien Testament, Dieu dit : « Toute chair saura que je suis l’Éternel2 », ce qui signifie : « tout homme », chacun, vous, moi. Donc la chair représente la personne complète avec son psychisme, son intelligence, sa liberté, sa volonté. Et tout cela c’est « une chair ». Et si le verbe s’est fait « chair », c’est que la parole s’est trouvée tout entière présente dans un individu complet. C’est‐à‐dire un individu qui a son intelligence, sa liberté et son âme propres, et qui s’appelait Jésus.

Deuxième danger

Le mot « fait » est aussi très dangereux : si la Parole est Dieu, Dieu étant l’inconditionné et l’absolu, il ne peut rien « se faire » du tout. Dieu reste Dieu, il est éternel. Il ne peut pas se transformer en autre chose, ni changer de nature pour devenir chair.

Cette traduction est donc extrêmement dangereuse pour la théologie. Elle pourrait faire croire que tout se passe comme si d’un coup Dieu devenait un être humain. Jésus serait alors une sorte de Dieu transformé en être humain, ce que la théologie classique a heureusement toujours rejeté. Or, plutôt que de dire que Jésus serait Dieu qui se serait fait homme, il serait plus juste de dire qu’en lui, c’est Dieu qui se trouve présent dans un homme. C’est tout à fait autre chose. Il n’y a pas de transformation de Dieu. Juste Dieu qui se rend présent dans un être humain entier et complet.

Les hérésies christologiques

On a inventé, dans les premiers siècles de notre ère, un nombre incroyable d’hérésies, et on a presque tout envisagé.

Certains ont dit que Jésus, c’est Dieu lui‐même qui s’enrobe de chair, comme des gâteaux nappés de chocolat. Le gâteau est à l’intérieur, c’est Dieu, et le chocolat autour c’est l’apparence humaine. Ils ont ainsi pensé qu’en Jésus, c’est comme si Dieu se recouvrait de chair, comme si on peignait le Dieu invisible d’une peinture concrète et que, du coup, il devenait visible.

Certains ont même affirmé que Dieu était passé à travers la vierge Marie et que, rentrant invisible dans la vierge Marie, il était ressorti visible de l’autre côté.

Tout cela est inassimilable d’un point de vue théologique.

D’autres ont été un peu plus subtils et ont dit : Jésus Christ, c’est un homme complet d’accord mais, à la place de son intelligence, de sa volonté et de sa liberté, c’est Dieu. C’est‐à‐dire que Jésus serait extérieurement un homme qui a tout comme nous mais, à la place de sa liberté, de son intelligence, de sa personne, ce serait Dieu lui‐même, comme un corps vide piloté par Dieu, ou un être dont Dieu aurait pris la place de l’âme. Cette hérésie aussi a été rejetée à l’époque par l’Église dominante de Rome. Celle‐ci a affirmé qu’il ne peut pas en être ainsi parce qu’alors, l’union hypostatique n’aurait pas été complète, c’est‐à‐dire que Jésus n’aurait pas été un homme vraiment complet uni au Dieu véritable.

La doctrine officielle

La doctrine officielle a toujours affirmé que Jésus était effectivement un homme complet ayant sa liberté, son individualité, et aussi son âme propre qui a été créée par sa conception, un vrai homme, parfaitement uni au Dieu véritable.

Beaucoup de théologiens aujourd’hui ont tendance à être « monophysites », c’est‐à‐dire qu’ils ont tendance à oublier la dimension humaine du Christ et l’on enseigne parfois qu’être chrétien c’est croire que Jésus est Dieu. Or c’est un raccourci évidemment faux pour quiconque s’est intéressé à la théologie et à l’histoire de la théologie. Jésus n’est pas Dieu, il est un homme uni à Dieu. Jésus est le point de rencontre entre l’humain et le divin, et Jésus a les deux natures, homme et Dieu.

C’est cela la théologie officielle ; maintenant, chacun fait ce qu’il veut. C’est vrai que les protestants ont souvent tendance à pousser Jésus du côté de l’homme, et d’autres (même aussi chez les protestants) ont tendance à pousser Jésus du côté de Dieu.

Néanmoins, l’important est de se faire sa propre opinion et de tolérer que d’autres n’aient pas exactement la même que soi. Ça n’est pas évident, il y a souvent dans ce domaine des réactions extrêmement violentes. Et si l’on professe que Jésus est un homme, si l’on parle de l’humanité du Christ, un certain nombre de chrétiens sont excessivement choqués, voire agressifs, alors que l’on est en face d’un problème extrêmement complexe qu’il ne faut pas traiter avec trop de simplicité et de légèreté.

Jésus fait voir le père

Tout cela est bien compliqué, néanmoins ce que l’on peut retenir, c’est que Dieu lui‐même est parole et lumière.

Parole, c’est‐à‐dire qu’il est information, vocation, il est une parole d’amour, une parole d’espérance.

Il est aussi lumière, c’est‐à‐dire qu’il est pour nous liberté, capacité de voir, de trouver, de choisir, d’avancer.

C’est justement ce Dieu‐là qui nous a été révélé par Jésus‐Christ, qui est l’incarnation même d’une parole créatrice et d’une lumière libératrice. C’est en cela que l’on peut croire en Jésus‐Christ comme étant le fils de Dieu, parce qu’il nous apporte la parole créatrice et la lumière de la liberté.

D’après Louis Pernot

  1. Cf “La Trinité et le prologue de Jean – première partie↩︎
  2. Esaïe 49:26 ↩︎

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3 réponses

  1. Vincent D. dit :

    J’apprécie beaucoup cette série d’articles, qui met un peu de bon sens dans un sujet confus et polémique.

    Cependant, la question qu’on ne manque pas de se poser est : sachant que la traduction retenue ne rend pas correctement le sens du texte original, pourquoi ne corrigeons nous pas la traduction depuis tout ce temps ! Ou dit autrement, à qui profite le crime ? Certainement pas aux croyants sincères qui cherchent à mettre la Parole au cœur leur vie.

  2. Christiette Albe dit :

    Jésus est homme uni à Dieu , est une” formule ” qui a un sens pour moi . Mais j’avoue , cette histoire de “la trinité” est plutôt compliquée, mais éclairée comme Gilles l’explique, je comprends mieux le prologue de Jean et me dis d’autres que Jésus dans l’Histoire sont “unis à Dieu ” ??? je le pense ….

  3. Mathieu dit :

    Saluons ce texte qui met à bas les concepts magiques et les digressions, prétendument théologiques, faites à partir du Prologue de l’Evangile de Jean. Que de siècles, de temps, de combats parfois, passés à discourir et affirmer que l’homme de Nazareth était Dieu ; ce que lui-même n’a jamais prétendu être.

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