Par la bouche de l’homme

évangile marc impureté
évangile marc impureté

Marc 7

Évangile selon Marc, chapitre 7 : de l’impureté.

Il appela de nouveau la foule et lui dit : Écoutez-moi tous et comprenez.
Il n’est rien qui du dehors entre dans l’homme qui puisse le rendre impur ; mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui le rend impur.
Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende.
Lorsqu’il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l’interrogèrent sur cette parabole.
Il leur dit : Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence ? Ne saisissez-vous pas que rien de ce qui, du dehors, entre dans l’homme ne peut le rendre impur ?
Car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis est évacué à l’écart. Il déclarait purs tous les aliments.
Il disait : Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui le rend impur.
Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes que sortent les mauvaises pensées, prostitutions, vols, meurtres,
adultères, cupidités, méchanceté, ruse, dérèglement, regard envieux, blasphème, orgueil, folie.
Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l’homme impur.

Ce passage très connu de l’évangile a donné lieu à de nombreux commentaires, également très connus. Il faut oublier les interdits alimentaires : ce qui peut rendre impur, ce ne sont pas telles ou telles nourritures, ce sont plutôt les paroles inconsidérées blessantes. Mais au fait, de qui et de quoi s’agit-il ?

Qu’est-ce qu’être impur ?

D’abord, qu’est-ce qu’être impur ? Ou pur ?

Pour la Bible, Dieu seul possède la pureté parfaite. Son peuple, afin de devenir digne de lui, doit se purifier. C’est là le sens spirituel. À l’origine il s’agissait d’un sens essentiellement cultuel et cérémoniel. Et cela provoquait de nombreux rites de purification, par l’eau, le feu, les abstentions, les sacrifices.

Un cœur pur

Le christianisme nous dit que ce que Dieu veut, c’est un cœur pur, et qu’on ne peut y arriver qu’avec l’aide de Dieu.

Mais qu’est-ce qu’un cœur pur ? C’est un cœur qui sait rester propre, éviter toutes souillures, corruption, jalousie, critique, envie, condamnation, calomnie, scandales, etc. C’est le caractère de celui qui vit dans la droiture, l’intégrité, sans compromission.

Mais attention : le « cœur », dans la pensée hébraïque, n’est pas le siège de l’émotion, de l’amour sentimental. C’est le siège de la décision libre et ferme

« Aimer Dieu de tout son cœur » ne signifie donc pas se laisser envahir par une émotion mystique. Cela signifie prendre la décision ferme d’entrer dans les vues de Dieu.

Seulement, à l’inverse de l’enseignement des prophètes, la doctrine sacerdotale a mis en place une quantité considérable de prescriptions ayant pour but de rester pur ou de le redevenir. Ce sont des prescriptions alimentaires, vestimentaires, et affectant les comportements quotidiens.

Toute le question est alors de savoir si, à l’époque, ces “purifications règlementaires” ont servi à quelque chose ? Est-ce que Dieu a manifesté qu’il s’en satisfaisait ?

Personnellement, j’en doute. Au vu des catastrophes, invasions, exil, destructions diverses que le peuple d’Israël a subis pendant des siècles, il semblerait que Dieu ait été plutôt fâché ! Donc, ou bien ces rituels, ces prières, n’ont servi à rien, ou bien Dieu n’est pour rien dans les heurs et malheurs des hommes. À chacun son point de vue.

Les paroles qui sortent de la bouche rendent impur

Et elles peuvent rendre impur aussi bien celui qui les profère que celui qui les écoute.

Pendant des siècles, l’idéologie religieuse dominante a fait le grand écart entre l’exhortation à une vie édifiante … et les méthodes employées pour asseoir son pouvoir.

Dans ce cadre, quelles paroles pouvaient (et peuvent toujours) rendre impur celui qui les écoute ?

L’incitation aux attitudes païennes

Le péché

L’autoflagellation, et l’affirmation de l’éternelle culpabilité de l’homme par le simple fait qu’il respire, sont des postures païennes parce que contraires à l’enseignement de Jésus. Jésus présente un Dieu bon et plein de miséricorde.

Les déclarations anxiogènes

“Faites-leur peur et tout ira bien !” Beaucoup de personnes détenant une autorité morale ou intellectuelle quelconque, font des déclarations destinées à faire peur. Mais la Bible dit le contraire “n’ayez pas peur !”. Plus de trois cents fois paraît-il. Et le Jésus des évangiles insiste également sur cette espérance, qui est le contraire de la peur.

L’annonce de la colère de Dieu

Jean-Baptiste invitait au baptême pour éviter de subir la proche colère de Dieu. De nombreux prêcheurs ont fait peur en menaçant ceux qui les écoutaient. Ils les incitaient à des attitudes idolâtres (pèlerinages, flagellations, prières adressées à des symboles ou à des statues). Le moyen-âge a été très friand de ces pratiques, mais on peut encore en discerner certaines ici ou là dans le monde d’aujourd’hui. L’exemple américain est bien connu où des prédicateurs enfiévrés prêchent la pénitence et l’offrande “de son cœur à Jésus”.

L’incitation au retrait du monde

L’heure est à l’éloge de Charles de Foucauld, ancien militaire, grand fêtard devant l’Éternel, qui peu à peu se change en trappiste vivant une vie d’ermite et s’attachant à l’évangélisation des “infidèles”. Des discours et articles chantant les louanges de cette vie dévote sont apparus à cette occasion. On n’imagine pas que Jésus de Nazareth, le galiléen toujours sur les routes, aurait pu dire du bien du monachisme quel qu’il soit.

Jésus n’est pas un ascète. On va d’ailleurs lui reprocher de ne pas jeûner, de faire des repas avec des hommes et des femmes de mauvaise réputation. On va même le traiter de glouton. Il parle de Dieu au cours des repas, il fréquente les mariages, les fêtes. Il va situer son discours sur Dieu au cœur de la vie quotidienne et non dans une retraite dans le désert.

Les paroles qui blessent la personne pour elle-même

Toute parole blessante est désagréable à entendre, mais certaines peuvent laisser une trace durable : celles qui font douter de soi, celles qui découragent, celles qui apportent un sentiment de culpabilité, celles qui poussent à s’auto-dénigrer, etc.

Une église qui prononce un anathème se rend elle-même impure

Si l’on parcourt l’interminable liste des persécutions, bûchers, condamnations, mises à l’index, etc. que les églises ont prononcées et continuent à prononcer, on ne voit pas que ces attitudes agressives et intolérantes aient été autre chose que la reconnaissance de leur propre faute, de leur propre impureté.

L’exemple le plus célèbre est peut-être celui de Baruch Spinoza, exclu de sa communauté juive en 1656, et toujours regardé de travers par le judaïsme aujourd’hui. Loin de l’athée qu’on lui a reproché d’être, il propose une nouvelle méthode de lecture de la Bible, en ne s’attachant qu’au texte lui-même, sans accepter les interprétations des autorités religieuses qui, bien souvent, ont des arrière-pensées politiques et autoritaristes. Cette attitude devrait rappeler quelque chose aux protestants que nous sommes.

L’absence de parole rend impur

Dernier exemple de parole qui rend impur son auteur : le silence ! Celui qui sait quelque chose et qui le transmet pas, celui qui taît une vérité pour se protéger ou pour assurer son pouvoir, celui-là est impur, d’une espèce particulièrement dangereuse puisqu’il est difficile à déceler.

Lire le texte complet de l’évangile : cliquez ici.

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4 réponses

  1. Tomlin Françoise. dit :

    J’apprécie ces réflexions que vous m’avez envoyé à deux reprises.Un peu tôt pour faire un commentaire!
    Françoise Tomlin

  2. Roseline CAYLA dit :

    Bonjour Gilles. Donc, si j’ai bien lu, la parole ou l’absence de parole peut rendre impur, ce qui me semble équivalent à : parler ou ne pas parler peut nous mettre en état de “péché” c’est-à-dire nous éloigner, nous séparer de “Dieu”. Pourquoi dans ce cas faudrait-il ne pas utiliser le terme de “culpabilité”? Mais il est certain que si on regarde les choses de près, il y a une certaine incohérence dans la théologie de Calvin, comme le dit Eric Fuchs ci-après:” L’incohérence me semble être ici que Calvin a donné finalement plus d’importance à la crainte du jugement de Dieu, au sentiment tragique de l’événement imminent du Jugement qu’à la célébration de l’amour de Dieu, et qu’il n’a pas vraiment choisi entre l’inconnaissable mystère du dessein de Dieu et la paisible assurance du salut. Il y a là une tension difficile à comprendre dans la pensée de Calvin : la libération que propose sa théologie du salut et de la grâce s’oppose à l’insistance avec laquelle il parle de la crainte du jugement de Dieu :”« Car avant que la conscience du pécheur soit amenée à repentance, il faut qu’elle soit premièrement touchée du jugement de Dieu […]. [Par la pensée] que Dieu doit monter en son Tribunal pour demander compte de toutes œuvres et paroles [10][10]IRC III, III, 7. ». Calvin hésite entre l’affirmation que la conscience du péché naît de la culpabilité et celle qui confesse que c’est la rencontre de la grâce qui fait mesurer la distance qui sépare le croyant de Dieu et suscite en lui la conscience de son péché, c’est-à-dire de sa méconnaissance de Dieu (cf. le début de l’Institution)”.( cf l’article d’Eric Fuchs in Etudes Théologiques et religieuses 2009/3 Tome 84 p.411-419 sur Cairn.info)

    • Gil dit :

      Je citerai un nouveau livre d’Anne Dollfus et Pierre-Yves Kirschleger paru récemment (l’Église réformée de France, 1938-2013), où on trouve ceci : “au point de vue de la conception de la nature humaine, les libéraux sont des optimistes, peu intéressés par le péché et la rédemption, quand les évangéliques sont plutôt des pessimistes consolés, insistant sur le caractère fondamentalement mauvais de l’homme”.

  3. Vincent DEFERT dit :

    Cet article m’évoque Jacques Ellul, lorsqu’il explique dans “La subversion du christianisme” que suivre Jésus a toujours été réservé à un très petit nombre et qu’en faire la religion de l’empereur – et donc celle de TOUS ses sujets – a eu pour résultat de prêcher l’opposé de ce que disait Jésus. “Le pouvoir corrompt”, etc, etc.

    Ceux qui souhaitent mettre au coeur de leur vie l’enseignement de Jésus doivent donc, comme lui, cheminer en solitaire et répondre pour eux-mêmes à cette question primordiale, sans laquelle aucune réflexion sensée n’est possible : “Qu’est-ce que Dieu?”

    Ce n’est pas un hasard si les religions la considèrent comme un tabou absolu. Et pourtant, c’est celle que nous pose Jésus à travers les évangiles, et c’est pour l’avoir fait qu’il est mort.

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